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01 octobre 2006

Où vont les toutous qui traînent sur le bord des autoroutes?

Vendredi soir, 18h30.

Je n’ai pas pris le train ce matin.


J’ai dû me rendre au centre-ville de Montréal en auto, rendez-vous matinal oblige.

Je suis donc en auto pour le retour à la maison. Le bordel de trafic qui me retarde de 2 heures dans ma fin de semaine.

Si le matin le trafic se supporte, celui du soir, au retour à la maison, devient de plus en plus infernal. Peut-être parce que les objectifs sont différents? Peut-être parce que j’aime mieux mon chez-moi que mon lieu de travail? J'ai hâte de retourner mon chez-moi, j'ai de plus en plus mon travail en horreur.

Je roule lentement, pare-chocs à pare-chocs, sur l’autoroute 15. Celle qui mène vers le Nord, dans les Laurentides. Mon trajet à moi s’arrêtera bien avant la Porte du Nord. Une chance! Je me sauverai peut-être une autre demi-heure des
bozos de la Radio-Réalité, de ces rires en cannes des Grandes Gueules, ou alors des engueulades du Maire Gendron.

Comble de malheur, j’ai oublié d’amener mon lecteur mp3 ce matin. Je n’ai donc aucun remède au lent supplice de la route, de cette lente agonie radiophonique, si ce n’est que le silence.

Je ferme donc la radio. Je ne veux plus de ce vacarme de rigolades qui me donne mal au cœur. J’ai envie de vivre ma vie à moi, pas de ces heures loufoques à entendre des gens rirent du malheur des autres.

Après 10 minutes de silence assourdi par le roulement du moteur et le sifflement de l’air sur ma route, mon regard serpente entre les voitures, s’agrippe au rétroviseur qui me montre les verres fumées d'une Honda Civic qui me colle au cul, sur le nez retroussé d’une conductrice grisonnante, sur la moustache d’un vieux chinois ou encore sur la lunette arrière d’une camionnette, devant moi, où deux jeunes monstres ont décidé de me prendre en grippe en faisant un magnifique concours de grimaces.

Et c’est alors que je le vois.

Il est là, couché sur le ventre, sauvagement délaissé, lové contre la paroi de ciment au bord de la route, sur la voie de gauche. Juste au beau milieu du pont qui sépare la rive de l’île Jésus de celle de la banlieue Nord.

Un beau gros nounours en peluche, brun, sale, nu, triste.

Un gros nounours, la tête tournée de côté, qui me fixe de son œil unique, noir, profond.

J’imagine très bien le papa salaud, effronté et qui, pour se venger des pleurs indomptables de son enfant, pour taire une chicane qui lui martèle la tête contre son propre manque de temps, j’imagine très bien le père qui confisque à son enfant le seul objet de réconfort, baisse la fenêtre et le largue par-dessus bord.

Ça pourrait très bien être une maman aussi, exaspérée de son rythme d’enfer qui est en train de la gruger de l’intérieur, de la vider de sa joie de vivre, de sa patience, de sa vie, j’imagine très bien aussi cette maman crier sa rage et sa colère, déformer ses traits d’ange en un masque de folie pour mieux saisir le nounours et le lancer dehors pour le buter contre la margelle de ciment.

Ce toutou mourant n'est pas unique. La semaine d'avant, j'en ai vu des tonnes, sur le chemin inverse, dans le terre-plein central, se prélassant dans leur mort de peluche au soleil d'automne, tous identiques, d'une même famille: un petit orignal d'un brun très foncé, vêtu d'une veste verte, blanche et rouge, avec sur la tête une petite tuque rouge, je pense. Probablement un camion qui a fait un soubressaut de trop et qui a échappé sa marchandise de Noël.

Et le mois d'avant aussi, j'en ai vus d'autres de ces toutous, écorchés par la route, accidentés très certainement de leur contact avec le bitume. D'autres, des dizaines de ces toutous qui semblent vous regarder avec, dans le regard, cet appel à l'aide, ce désir de retrouver les bras de l'enfant qui lui manque.

Non, ce nounours égaré du vendredi soir n'était certes pas unique.

Des milliers de toutous meurent chaque année sur les routes du Québec.

Des milliers de toutous sont abandonnés, voire même mutilés sur les routes du Québec, délaissés par des parents qui n’ont plus la force de vivre leur équilibre travail-famille. Cette utopie que nous prône l’entreprise privée qui, en réalité, suit à la lettre les recommandations de leurs compagnies d’assurances contre les hausses incontrôlables des réclamations suite aux maladies mentales et aux burnout professionnels.

Des milliers de toutous, tous témoins de cette folie professionnelle qui est sur le point de remporter la manche sur la joie de vivre qui tente de survivre tout au fond de nous.

C’est alors que je me pose une question fondamentale. Une question grave, sombre, sévère.

Où vont les toutous qui traînent sur le bord des autoroutes?

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