Récits, poésie, pensées et peut-être aussi quelques dessins...



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Patrick
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Canada



Un type ordinaire qui a envie de raconter des histoires extraordinaires

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30 septembre 2006

Cyan, ce héros

Je vous ai déjà parlé, très brièvement de mon frère Cyan et de sa nouvelle flamme, .

Je vous ai aussi parlé de la planète V, de sa lointaine planète V.

Vous voulez en savoir plus?

Mon frère Cyan est expatrié depuis maintenant 3 ans. Il vit maintenant sa vie en Autriche. À Vienne, d'où la planète V. Vienne, une ville somme toute assez conservatrice, fière de son histoire et l’un des sièges de l’ONU. À deux pas, ou presque, du palais de l’Impératrice Sissi, de la belle Romy Schneider, fantasme de jeunesse.

Mon frère, qui est sans nul doute mon jumeau (si si, sans jeu de mots), a rencontré sa jolie et gentille , stagiaire dans son travail. Le déclic a été instantané. Le coup de foudre. Comme moi, pour ma Belle, il y a plus de douze ans maintenant.

Pé est maintenant retournée chez elle, en France, à Strassbourg.

Mon frère Cyan l’a suivie, a vécu avec elle pendant une semaine. Il vient tout juste de rentrer au bercail, à Vienne, pour vivre en solitaire son purgatoire, en attendant le prochain vol Vienne-Strassbourg.

C’est la première fois que je vois mon frère délaisser son travail pour suivre ses (bas) instincts. Je suis content. Il était temps. Le travail, c’est une chose. Mais la dévotion à son boulot, c’est trop.

Après Mononcle Cyan qui vit d’Autriche, il est donc à espérer que mes deux petites Bibittes auront bientôt la chance de rencontrer Mlle Pé. Et que Mlle Pé deviendra, peut-être à long terme, Mlle Tante Pé qui vient de France.

Il faut dire que Frère Cyan est omniprésent dans la vie de mes bibittes. «Je vais envoyer une carte de Noël à Mononcle Cyan.» «Tiens Papa, c’est une carte postale pour Mononcle Cyan, tu peux la mettre à la poste demain?» «Est-ce qu’on recevra les
petites souris d’Autriche de Mononcle Cyan?»

Bientôt, le personnage fera même son apparition dans l’univers écolier de mes filles. À la consigne «Dessinez votre héros préféré», il est hors de tout doute que les pages des cahiers de mes filles seront remplies de «Mononcle Cyan qui vit en Autriche».

Avec une nouvelle Mlle Pé, qui a bien des chances d’être plus qu’une comète dans le ciel de Cyan, il est fort à parier que la vie aventureuse de Mononcle Cyan redeviendra au centre des sujets de préoccupations de mes Bibittes.

Les parents ont le fardeau de l’instruction, de l’éducation, mais ils ont rarement le privilège d’être des êtres spéciaux, encore moins des héros. En tant que parents, on restera toujours que empêcheurs de tourner en rond, des contraintes, des plis sur la jupe, des autoroutes de discipline sur lesquelles nos enfants tentent par tous les moyens de trouver des voies de contournement. Tout au mieux, nous seront un Papa et une Maman.

Mais nos enfants seront toujours nos Bibittes à moi et à ma Belle. On les arrosera jour et nuit de notre amour, tous les jours, éternellement, inlassablement. Et, dans quelques années, quand elles quitteront le bercail à leur tour pour suivre les traces de leur héros Autrichien, eh bien, elles penseront peut-être à nous, Papa et Maman, qui leur auront donné des milliers de becs magiques sur le front au moment du dodo, pour les aider à emporter un morceau de nous dans leurs rêves, pour garder le sourire…

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27 septembre 2006

Juste pour tâter le pouls...

Est-ce que quelqu'un me lit? Est-ce que quelqu'un voit même ce site? Entend mes appels vers la Terre?

De plus en plus, j'ai l'impression que mes appels tombent dans le vide du silence interstellaire, que je crie seul dans le désert, que l'espace entre ma bulle et celles des gens qui m'entourent est maintenant beaucoup trop grande...

Suis-je le seul à disposer de ces antennes ou alors y a-t-il d'autres antennes qui captent mes mots?

Si c'est le cas, messieurs et mesdames les inconnu(e)s, manifestez-vous en lançant votre propre appel-commentaire...

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26 septembre 2006

Train d'enfer

Je n’ai jamais vu des jeunes adolescents aussi mal élevés.

Le train de banlieue navigue lentement de l’est vers l’ouest sur ses rails. Bientôt, il aura terminé sa course vers l’occident et entamera sa longue courbe qui le ramènera vers le nord, de l’autre coté de la rivière.

En temps normal, le seul glissement du mastodonte, le défilement du paysage routinier, le roulement presque devenu un silence par l’habitude, suffit à me plonger dans un sommeil semi profond. Après quelques minutes de lectures, la journée de travail lourdement imprégnée dans mon corps et dans mon esprit, je me plonge dans mes pensées et je finis par m’assoupir.

Or, depuis la rentrée des classes, depuis quelques semaines, ces quelques minutes de sommeil sont brutalement mises au rancart.

Dès le troisième arrêt, le train prends son lot de voyageurs vers les rives de la banlieue. Et, comble de malheur, certains de ces voyageurs sont jeunes. Pas si jeunes, pourtant, pour qu’ils ne connaissent pas encore la notion de civisme et de savoir-vivre.

Et pourtant. Ces jeunes qui prennent d’assaut les wagons remplis de voyageurs tièdes et éreintés ne sont pas des jeunes de mon époque, encore moins de celle d’avant.

Non, ces jeunes sont de véritables pestes.

Ils parlent fort. Ils se battent à coups de pieds pour rigoler, par-delà les travées. Ils rient, se moquent des gens. Parlent fort. Se tapent à coup de journaux roulés sur l’épaule. Rient, mangent, s’esclaffent, parlent fort. Prennent beaucoup de place. Beaucoup trop de place, de places aussi, et d’espace vital.

Inutile de souligner que ces jeunes sont issus d’une école secondaire anglophone privée dans l’Ouest de Montréal. Il serait superflu également de mentionner que ces jeunes portent l’uniforme, comme quoi l’habit ne fait pas le moine, loin de là dans ce cas.

De véritables pestes.

Quand ces jeunes entrent dans le wagon, ils l’envahissent. Ils se l’approprient. Ils défoncent la baraque.

Et le pire, oui, le pire, c’est quand ils se mettent à rire à gorge déployée, ignorant les autres voyageurs qui eux en n’ont rien à faire de leur turbulence et de leurs turpitudes. Et que les voyageurs, eux, ne font rien pour arrêter cette tempête juvénile qui, en soit est normale dans une cour d’école, mais pas quand la cour d’école est transportée sur les banquettes d’un train.

Moi, ils ne me dérangent pas. Ils m’exaspèrent.

Et la prochaine fois, ce ne sera pas un regard furieux que je leur lancerai en plein visage. Je me lèverai, je me posterai à côté d’eux et je leur dirai DE SE LA FERMER! SHUT UP AND BEHAVE, YOUNG PRICKS!

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20 septembre 2006

Un vent de fraîcheur

Dessiné en 30 secondes par ma grande fille sur le coin d'une table, Maman me sèche les cheveux au séche-cheveux.



Tout y est: la brosse dans la main de la maman, la petite robe de nuit, les pantoufles en forme de souris, les cheveux ébouriffés.

Mais aussi le plus impressionnant: les yeux fermés et le visage radieux de ma fille, littéralement aux anges.

Ma grande de 7 ans est une véritable artiste... et vous n'avez pas vu ce qu'est capable de faire sa jeune soeur de presque 5 ans!

Entendu ce matin dans le train

L'anecdote met en vedette deux personnages qui ont croisé mon attention dans le train ce matin: une adolescente, d’env. 16 ans, disons Jenny, et ce qui est, manifestement, son père dans la forte quarantaine, disons Papa.

Les deux protagonistes manifestement prennent le même train, à la même heure le matin, arrivent à la même gare, mais leurs chemins bifurquent au trottoir pour l'un s'éloigner en direction de l'école, l'autre vers le hall d'une immense tour à bureau.

JENNY: Papa, je peux aller dîner avec toi ce midi?

PAPA: Non, je ne pourrai pas, je n’ai pas le temps, j’ai trop de boulot.

JENNY: S'il te plaît, ça fait longtemps!

PAPA: Non, je te l'ai dit, je dois continuer mon dossier urgent. On se revoit ce soir.

Ça m’a scié les jambes.

Depuis quand refuse-t-on l’invitation lancée par son propre enfant, une adolescente de surcroît, pour continuer à bosser?

L’adolescence est un âge où le moindre faux pas du parent peut devenir un véritable cataclysme, où les silences parent-enfant s’éternisent souvent pendant des mois, voire des années. À cet âge, on nous recommande l’écoute de son jeune, on nous pousse à comprendre qu’il est important, plus que jamais, de garder des liens solides avec notre enfant; de garder l’œil ouvert; de rester disponible. Et ce type refuse l’opportunité de prendre son heure de dîner avec son ado? Ce type refuse de sauter sur l’occasion de savoir ce qui se trame dans la vie de son propre enfant et enfin découvrir tous les mystères qui foisonnent dans la tête d’une adolescence?

Comment un parent sensé peut-il consciemment préférer bosser sur des dossiers, alors que ceux-ci, probablement, ne serviront qu’à renforcer sa cote de crédit, et non de garder un contact serré avec sa propre fille?

Ne serait-ce que pour savoir qui sera le Jules qui viendra tondre ma pelouse la fin de semaine prochaine, j’aurais pris une heure avec ma fille pour casser la croûte.

Après un événement comme Dawson, Monsieur le Papa, je prendrais deux minutes pour sérieusement revoir mon emploi du temps.

Les dossiers, ça peut attendre. Rater la chance de parler avec son jeune, alors que l’occasion se répète trop rarement et que le temps file à toute allure, ça Monsieur Papa, c’est impardonnable…

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19 septembre 2006

Du haut de ma lune...

Dans ma bulle, du haut de ma lune, je regarde la Terre et je témoigne de la folie des hommes.

Les cris des victimes de
Dawson résonnent encore dans ma tête. Un fou qui tue des gens, qui sème la pagaille tout autour, qui déverse rage et son malheur sur les autres, pour crier un bonheur qui lui fait défaut.

Que faudrait-il pour que les gens comprennent enfin la vraie beauté de la vie, de l'existence?

Quand on voit cette orgie de tragédies planétaires, on devrait s'arrêter sur l'absurdité de la mort, l'horrible vide au-devant qui condamne tous les êtres vivants.

Pourquoi toute cette violence? Pour quelques arpents verts? Pour quelque trésor céleste? Pour quelque puissance éphémère? Pour laisser une trace de son passage?

Comment se fait-il que même poussée à ses ultimes limites, l’humanité ne réalise pas que tout cela ne sert à rien?

Le problème, c’est que nous sommes bien peu, sur cette grande planète, à avoir compris tout cela.

Le problème, c’est bien plus que la mort d’un Dieu, c’est l’avortement répété sans cesse, à force de violence, d’une conscience humaine à peine née, sur fond de guerres, d’incompréhension, d’intolérance, de sauvagerie. Nous ne sommes pas bien différents de ce que les hommes étaient fait il y a des siècles, des millénaires. Nous vivons tous du même air, des mêmes désirs, des mêmes tensions. Et nous faisons la guerre pour nous faire comprendre et faire notre place. Faute de vouloir se comprendre réellement. De réaliser que
tout ceci est beaucoup plus grand que nous.

Quelquefois, je me dis qu’il faudrait un énorme cataclysme pour tout raser et tout recommencer.

Quelquefois, je me surprends à me demander si ce n’était pas justement le souhait inconscient des grands dictateurs de ce monde que de créer la souffrance pour que l’humanité tente de s’élever de la fange qui l’a vu naître. Les génocides, les holocaustes, les grandes oppressions, l’esclavage... et si tout cela faisait partie d’un plan plus global pour tenter d’élever l’humanité à un stade de conscience sociale supérieur?

Parfois, je me couche et quelquefois j’espère que je me réveillerai ailleurs ou à une autre époque, comme si je rêvais ma vie.

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18 septembre 2006

La planète de frère Cyan

J’ai un frangin.

Ce frangin s’appelle Cyan et il habite la lointaine, la très lointaine planète V.

Une planète lointaine qui va lui donner pas mal de fil à retorde pour les prochains mois de sa longue convalescence.

Est-ce que mon frère est malade? Un peu. Il vient de tomber amoureux. Amoureux de , une jeune voyageuse de l’espace issue d’un autre monde.

Cyan et vont vivre une histoire difficile ces prochains mois. Avant que l’un ou l’autre ne se décide à migrer à jamais hors de son propre champ planétaire, il risque de passer beaucoup de comètes dans mon ciel étoilé.

Cyan, mon frère, quand on veut changer d’orbite, il n’y a souvent pas trente-six solutions : on mets les gaz à fond et on se lance dans l’aventure.

Sinon, les astres finissent par s’éloigner sur leur propre orbite et vous vous éloignerez à jamais.



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Le train du lundi soir

ELLE ET LUI

ACTE DEUX


Lieu: le train de banlieue, passé 16h45

Acteurs : MADAME, MONSIEUR, ELLE et LUI

Mise en situation: Un homme, LUI, se retrouve assis sur une banquette d’un train de banlieue. L’homme est coincé entre un duo, qui semble être un couple, et la paroi vitrée du compartiment. Le couple est formé de MADAME et de MONSIEUR et tous deux sont dans la quarantaine, vêtus d'une part d'un tailleur et d'autre part d'un complet de bureau. La femme est légèrement boulotte mais jolie, l'homme a le nez assez dur.

LUI est assis, un livre dans une main sur ses genoux, et semble perdu dans ses pensées en observant le reflet des passagers dans la vitre du train de banlieue.

L’histoire commence quand le train démarre et que MADAME et MONSIEUR entament une conversation.


*****


MADAME : Elle a encore essayé de t’appeler?

MONSIEUR : Oui, on dirait. (MONSIEUR regarde son portable avec attention et inquiétude).

MADAME : C’était bien son numéro, tu es sûr?

MONSIEUR : Oui, c’était elle. Elle a aussi laissé deux messages au bureau avant que je parte. Je les ai pris sur mon répondeur. Écoute.

MONSIEUR lui tend l’appareil et MADAME le met à son oreille.

MADAME : Elle pleure! On dirait presque des miaulements!

MONSIEUR : Oui. Elle veut probablement savoir si je finirai tard.

MADAME (qui lui remet l’appareil, visiblement dégoûtée) : Mon Dieu, je sais pas comment tu fais! On dirait qu’elle contrôle ta vie!

MONSIEUR : J’avais promis de rentrer pour cinq heures trente. Là, avec le trajet et la route après, je serai pas à la maison avant sept heures moins quart.

Un silence s’installe. D’autres passagers font mine de s’impatienter. MADAME parlait visiblement trop fort au goût des autres voisins.

MADAME : Tu devrais la remettre à sa place une bonne fois pour toute. Ça fait un méchant bout de temps que ça dure, notre histoire, quand même...

MONSIEUR (chuchotant): C’est pas si facile que ça.

Un autre silence.

MADAME : Tu pourrais au moins lui dire que tu arriveras toujours à sept heures. Comme ça, elle saura à quoi s’en tenir. Sans ça, tu ne seras jamais libre!

MONSIEUR : Je sais.

MADAME : Tu pourrais pas lui dire?

MONSIEUR : C’est pas facile. On dirait qu’elle ne veut jamais comprendre.

Un autre silence. MADAME ajuste son manteau sur son blouson et donne un coup de coude non intentionnel dans les côtes de LUI.

MADAME : Désolée.

LUI : Ce n’est rien.

LUI se risque à jeter un coup d’œil tout autour, détachant son regard du reflet dans la vitre.

LUI voit tout de suite que ce qu’il cherche n’est pas là. ELLE n’est pas là.

LUI referme son livre et l’installe entre la paroi et sa jambe. LUI ferme les yeux et essaie tant bien que mal de se reposer en posant un coude sur le rebord glissant de la fenêtre trop basse. Il se bat un moment avec le rebord de la fenêtre, puis finit par se croiser les bras et tente de s’assoupir.

La conversation reprend de plus belle à côté de LUI.

MADAME : Tu l’as amenée avec toi la fin de semaine dernière?

MONSIEUR : Oui. Je n’ai pas pu m’empêcher. J’étais tanné de l’entendre pleurer. Je me disais que ça lui ferait du bien de prendre de l’air.

MADAME (manifestant son dégoût et son ressentiment par un haussement d’épaules): Je te parie qu’elle est encore plus exigeante après ça!

MONSIEUR : Disons qu’elle semble s’attendre à ce que ça dure encore un bout.

MADAME : Eh bien, ce sera elle ou moi!

MONSIEUR : Tu es sévère avec moi. J’ai essayé de lui faire comprendre que tu es importante dans ma vie, mais on dirait qu’elle veut rien savoir. Ce n’est pas de ma faute.

MADAME : Je pense qu’il est clair qu’elle n’est pas capable de me sentir.

MONSIEUR : On dirait.

MADAME : Je pense que tu n’auras pas le choix de la faire tuer. Je connais quelqu’un qui demande pas cher…

MONSIEUR : Mais imagine la tête des enfants. Ils vont réagir comment, tu penses?

MADAME : Tu n’auras qu’à leur expliquer. Ils sont grands, ils comprendront. Tu as le droit d’être en amour toi aussi. Et d’ailleurs, eux non plus, n’en n’ont plus rien à foutre, d’elle!

LUI est manifestement incapable de s’endormir, pris par la conversation et l’ergonomie déficiente du train. Il finit par rouvrir les yeux et reprend la lecture de son bouquin.

MADAME : Je pense de plus en plus que tu dois en finir. Fais-la tuer je te dis. Après ça, on pourra passer à autre chose!

MONSIEUR (essuyant la larme à l’œil, un peu confus) : Je sais. Je vais le faire. Je vais appeler le vétérinaire demain.

MADAME : Cette idée, aussi, de dompter ta chienne pour lui montrer comment appuyer sur la composition rapide de ton téléphone!

Sur quoi MONSIEUR se met à brailler comme un veau, le visage enfoui dans ses deux mains.

LUI regarde tout autour. Mais ne voit vraiment pas ELLE. Il referme son livre et contemple encore une fois le reflet dans la vitre. Lundi vient de finir et il reviendra mardi soir.

Fin de l'ACTE DEUX


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16 septembre 2006

Ma relation particulière

Je veux vous faire une confidence.

Je vis une relation particulière avec ma coiffeuse.

Ma femme le sait, elle approuve.

Oui, je vis une relation particulière avec ma coiffeuse. Ça dure depuis quatre ans. Avec un an d’intermède forcé, parce qu’elle m’a quitté pour un autre amour.

Amy, qu’elle s’appelle.

Amy, je l’ai connue par ma femme. Ma femme l’a choisie, parmi cette horde de belles qui foisonnent dans le salon de quartier. Elle l’a choisie entre toutes pour en faire sinon sa confidente, du moins l’unique responsable de sa coiffure, celle contre qui jeter le blâme si un malheur chevelu survenait, comme il finit par arriver un de ces jours de toute façon.

Je n’étais pas moi-même du genre à passer une heure dans les salons de coiffure. Il a fallu que ma femme, elle-même éreintée d’être responsable des quelques accidents de coupe sur ma tête, et que mes rendez-vous trop occasionnels chez le barbier qui finissaient par me forcer à m’atteler à la tâche moi-même, il a fallu donc que ma propre femme prenne les choses en mains. Quiconque a essayé de se tailler la tignasse à travers deux miroirs, le cou cassé, les ciseaux en main gauche du droitier, comprend à quel point, parfois, le ravage peut être important. Ma femme en avait ras-le-bol de me voir me mutiler sans cesse et a décidé de passer aux actes.

Tout juste après l’un de ses propres rendez-vous avec la tailleuse de tifs, ma femme m’a forcé la main et m’a poussé à m’asseoir sur le banc de mon futur bourreau. Elle a joué dur, m'a trahie, s'est jouée de moi jusqu'au bout. Et pour parfaire l'humiliation, elle s'est même moquée de moi devant son public d'habituées.

« Regarde, là! Il s’est fait un trou! » qu’elle lui a dit.

« C’est épouvantable! » a dit la coiffeuse. « Mais je peux quand même arranger ça. »

Et mon orgueil blessé en a pris tout un coup quand elle a fini par me mettre à table, le grand tablier sur les épaules, la paire de ciseaux en mains, pour commencer l’opération chirurgicale.

Le mal était fait. Après deux quarts d’heure, elle a appliqué la pommade, ébouriffé mes cheveux, les a un peu mouillé, puis me retirait le tablier en me tendant le miroir.

« Voilà. On voit encore un peu le trou, mais si tu mets du gel et que tu te décoiffes un peu avec tes mains, comme ça, ça ne paraîtra pas trop. »

Je ne suis pas retourné sur son siège de torture avant deux mois. Pas de gaieté de cœur. J’avais une sainte horreur de ces moments de supplice, de ce long intermède sans paroles, où l’on se sent obligé de parler pour meubler le long silence, avec une étrangère qui ne vous connaît pas et que vous ne connaissez pas. À chaque fois recommencer la même histoire, parce qu’on ne se connaît pas vraiment, parce qu’elle ne vous reconnaît pas forcément, parce que vous ne vous faîtes pas partie de la vie de l’un ou de l’autre de toute façon. Dieu seul sait vraiment à quel point ces moments-là pour moi était un calvaire, moi qui d’entrée de jeu se sens responsable des silences du monde.

Oui, comme je détestais ces moments. À cette époque.

J’ai quand même appris, au fil du temps, que cette coiffeuse était en couple, belle-mère d’un petit gars, qu’elle venait d’aménager dans une nouvelle maison, que son conjoint avait refait les comptoirs de cuisine. La conversation allait bon train, jusqu’au sixième rendez-vous, après plus de 10 mois de fréquentations.

Alors, Amy, enceinte de 6 mois d’un ventre qui ne paraissait pas tellement, m’annonçait qu’il me faudrait choisir une autre parmi la horde de nymphettes. Tout seul. Sans ma femme. Comme un grand garçon.

J’ai balayé l’appréhension du revers de la main jusqu’à la prochaine séance de torture. À chaque jour suffit sa peine.

La prochaine séance fut catastrophique.

Au départ, je devais choisir une autre coiffeuse. Une sensation pire que de se rendre dans un bar et d’amorcer la drague. Je devais choisir la bonne, celle qui saurait me couper les cheveux sans que je lui donne trop d’indications (rasoir numéro 2 ou 3, je ne me rappelle jamais) et avec qui je pourrais continuer ma conversation entamée depuis 8 mois.

Je n’avais pas envie de recommencer mon histoire à chaque rencontre. Il me fallait choisir le bon numéro pour éviter le fardeau des débuts.

Je suis tombé sur Line. C’était ma coiffeuse numéro 2.

Après une séance, j’ai changé d’idée. Elle ne serait pas ma coiffeuse. Elle n’aurait été qu’une amante de passage, délaissé parce que trop fade. Peu de conversation, pas de façon, ennuyante et sèche.

La séance suivante, au lieu de procéder de visu, j’ai opté pour la réservation téléphonique.

La réceptionniste m’a désigné parfait candidat pour Karine. Elle s’imaginait peut-être que j’aimais le type excessivement bavarde, jeune et sans vécu, que je les aimais au berceau de la vocation peut-être? Que je les appréciais très fraîches, alors que je préférais les mûres?

Elle se trompait.

Karine fut tout de même mon élue, probablement par dépit, à deux occasions. Elle n’avait pas ou peu d’expérience avec les hommes, je veux dire avec les coupes d'hommes. Ça se sentait. Elle babillait sa petite vie de famille, son petit frère qui lui tapait sur les nerfs, sa mère qui hésitait à lui fournir le pécule d’un appartement, son père absent depuis toujours. J’essayais de lui raconter mes deux enfants, ma vie de couple, les caprices pécuniaires de ma maison vieillissante, de ma voiture étouffée, de mes bordées de neige. Elle ne comprenait pas, ne pouvait comprendre, elle était trop jeune, un disconnect sévissait, s'amplifiait même, on n’était pas du même type et finalement, il fallait s’y rendre à l’évidence, nous n’étions pas fait pour faire ce bout de chemin ensemble.

Bref, exit Karine, welcome Marie.

Marie fut un bon compromis. Très grande (trop grande), pas trop prolixe, mais juste assez étoffée pour aborder quelques sujets, sinon d’actualités, au moins d’un certain vécu qui commençait tout juste un peu à se faire valoir. Elle était plaisante en conevrsation, par trop bavarde, d'humeur correcte et agréable. Oui, Marie était une bonne alternative et son nom sonnait bien.

J’ai vécu un bon moment sur la chaise de Marie. Presque un an et demi en fait, près de 10 séances. Juste assez pour voir les rénovations majeures du salon sur presque 4 mois, juste assez pour voir naître la construction du 2e étage de ma caisse de quartier. Pour la connaître, pour qu’elle me reconnaisse et se souvienne de nos longs débats et de nos tergiversations anodines. Après cette année et demie, le tour était fait, les silences devenaient plus longs. La dissociation refaisait surface. Je ne saurais dire si c’était de l’ennui, si elle me blasait, mais force est d’admettre que les sujets se tarissaient, soulignés par des vécus somme toute forts différents: elle fréquentait un conjoint beaucoup plus vieux qu’elle; ils n’avaient pas d’enfants, ne souhaitaient en avoir tout de suite; elle était sportive, moi peu; elle d’un style pas très intello, moi j’avais les motoneiges en horreur. Bref, elle était trop grande et moi trop petit, ça ne fittait plus. Une coiffeuse trop grande force le client à s'élever sur une chaise, à perdre pied, à flotter dans les airs, et on se sent gamin. Mais bon, on s'endurait paisiblement, encrassés dans une routine mortelle.

Il y eu cependant un petit regain d’enthousiasme lorsqu’elle m’annonça qu’elle et son conjoint aménageaient dans une nouvelle maison. L’espoir retrouvé de voir naître plusieurs longues conversations de bricolage, d’incommodités de voisinage, de soucis financiers, de ces sujets et de ce vécu qui rapprochaient les êtres qui se retrouvent dans une réalité commune et partagée.

Mais mon regard s’échafaudait toujours autour des autres qui déambulaient tout autour. Je revoyais certians visages qui revenaient occasionnellement aux mêmes séances que moi, saluais toujours poliment Karine, du moins les six premiers mois, jusqu’à ce que le souvenir de moi dans sa tête s’efface à jamais, obnubilée probablement par le va-et-vient des autres clients exigeants qui la forçaient à sans cesse apprendre et s’améliorer.

Mais, à travers le va et vient de la clientèle, j’ai revu un visage familier. Un visage que je connaissais et qui me disait quelque chose de vaguement familier. Elle me saluait d’un sourire, mais je ne savais pas qui elle était. Je ne savais plus. J’ai longtemps cru à une amie du collégial, à une ancienne amie d’enfance, même quelquefois, je me surprenais à imaginer qu’elle était entichée de moi et qu’elle faisait simplement que me lancer un appel de flirt par la tête, malgré mes silences perpétuels. Je n'aimais pas trop, je suis un gars timide, forcément, négliger l'apparence de ces cheveux par peur de se retreouver dans un salon de coiffure en dit long sur le poids qu'a le regard des autres sur soi.

La familiarité dura longtemps, au moins plus de trois séances en trois mois (l’hiver me fait pousser les cheveux avec plus de vigueur, allez savoir pourquoi!), mais rien ne laissait transparaître ce qui allait arriver.

Jusqu’au jour où elle est venu me saluer directement.

« Comment ça va, Patrick? »

La fille était devant le miroir, dans mon dos, et me faisait face en souriant.

Je pensais qu’elle parlait à sa collègue. Mais quand j’ai vu que mon bourreau n’était pas dans les parages, j’ai compris que son salut ne s’adressait qu’à moi.

C’est alors que je l’ai reconnue.

« Amy! Comment ça va, toi?! »

Je m’étais étouffé. J’avais honte de ne pas l’avoir reconnue avant. Comment diable ne l’avais-je pas reconnue avant?

Je me sentais mal, comme si je venais d’être pris en flagrant délit d’adultère. Comme si, en ayant poursuivie les visites intimes auprès d’une autre qu’elle, devant elle, sous ses yeux, je l’avais trompée, elle qui pourtant m’avait été si fidèle.

Je n’ai rien trouvé de mieux à lui dire que ça :

« Je ne t’avais pas reconnue! Tu es revenue depuis peu? Je ne t’avais pas vue! » Le mensonge était forcé, elle le comprenait, mais bon, j’avais déjà joué l’eunuque dans le passé avec elle, je ne tenais pas à ce que mon image, préservée depuis toutes ces fréquentations au salon, finissent par se ternir.

« Oui, ça fait quelques mois déjà. Ma petite fille a presque un an et j’ai fini mon congé de maternité. »

Entre-temps, Marie était revenue à son poste avec le rasoir qu’elle venait de remplacer, l’autre défectueux traînant dans son tiroir.

« Ah! Bon! Eh bien, à la prochaine! »

La prochaine séance, j’ai pris rendez-vous par téléphone.

Après le levage des cheveux et le massage de tête au lavabo par les mains des novices nubiles, je me suis approché de la chaise d’Amy.

« Je m’excuse de t’avoir trompée avec Marie. Je rentre au bercail. Je ne te quitterai plus jamais.»

Je vis une relation particulière avec ma coiffeuse. Elle me coupe les cheveux, nous parlons, nous meublons le temps autrement rempli d'un long silence des trente minutes que dure ma coupe de cheveux. Ça dure depuis 4 ans. Avec un an d’intermède forcé, parce qu’elle m’a quitté pour un autre amour, son deuxième enfant.

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15 septembre 2006

Elle et lui

Il était assis dans le train, à moitié endormi.

Tout autour de lui, des gens comme lui, comme vous et moi, tous et toutes comme lui, vivent leur morosité en solitaire. Les regards se croisent, les gens se transpercent, puis passent vite fait à autre chose. Habituellement, cette autre chose, c’est tout ce qui se trouve de l’autre côté de la paire d’yeux qui a amorcé ce déclic naturel et cette manœuvre de contournement : le coin du banc, le sac à main entre les pieds, les pages du livre qui s'éventre à l’envers en face de vous, dégorgeant de mots que vous avez peine à lire; la fenêtre et le paysage embrouillé par la vitre sale, un détail du plafond, un autre du plancher, une chaussure qui prend trop de place sous le sac gras d'un écolier forcé d'être un écolier. Ou même plus banalement les pages de votre propre bouquin, de votre magazine ou de votre rempart feuilleté débordant de sections sport, voyage, arts et spectacles et actualités; si vous avez eu l'audace de vous procurer l'outil adéquat de façon à vous en servir de trompe l’œil ou d'astucieux plan évasion, la curiosité des autres est vite mise à l'épreuve.

Ou alors, vous tombez sur une autre paire d’yeux qui vous fixent momentanément, sans commentaires; et là, le ballet recommence de plus belle, de part et d’autre.

Mais il arrive parfois que vous tombiez non pas sur une paire d’yeux, mais plutôt sur d’autres paires d’yeux. Mais ici, on est privés de dessert et on passe outre.

Ce soir-là, dans ce train trop lent qui lui fait souvent oublier trop lentement son train et sa vie d’enfer, lui a vu autre chose.

Il l’a vue elle.

Elle avait sur ses genoux un portable. Sérieuse, très concentrée, intangible à tout ce qui n'était pas sur son écran. Sur ce petit écran où son regard figé dévide certainement des tonnes de maux de travail, des chiffres à n’en plus finir, l’ébauche d’un travail de recherche ou d’un rapport commercial; le procès verbal d’une rencontre urgente qui lui a presque fait manquer son retour et qui explique, peut-être, la fixité de son attention; un devoir universitaire; la recette de sauce de sa grand-mère, pourquoi pas; ou alors, peut-être, ses pensées les plus intimes? Ses états d’âmes? Son esprit brouillon débroussaillé par les touches de son clavier?

Elle était là, il l’a vue, mais elle ne voyait pas.

À la dérobée, il examinait. Dans le miroir de cette fenêtre sur un monde en mouvement tout autour, discrètement, pour ne pas se faire voir, il observait en reflet les jambes lisses poindre sous les plis de sa jupe brune, les petits pieds dans les escarpins, son manteau. Le petit nez, l'air sérieux, trop sérieux, la bouche crispée, les cils fixes, la toque nue sur la nuque, les mains agitées frénétiques dans un doigté saccadé de cliquetis.

Essayant de deviner l’indéchiffrable. Cherchant des détails pour percer le mystère, comme autant d’indices, comme autant de faits indéniables.

Une bague à la bonne main, sur le doigt. Bien sûr, elle avait accroché ses armes, c’est normal. Comme elle, il n’y en avait pas des tonnes de libres comme l’air. Normal. Il n’aurait pas fait mieux, Il aurait fait idem. Des comme ça, il n’y en a pas des tonnes.

L’arrêt suivant, les foules se déversent sur les quais. La vue s’améliore, toujours de plus en plus, jusqu’au constat fatal : à la dernière chance, au derneir arrêt, quand elle reste immobile tandis que nombre s'activent au glissement des portes, force est d’admettre que les deux trajets coïncident: le sien à lui file et le sien à elle suit. Le supplice durera donc jusqu’au bout.

Le reste n'est que déjà vu.

Le train s’immobile, tous se lèvent et prennent le champ. Et c'est alors qu'il la suivra, qu'il la regarde, qu'il bifurque et qu'il s'éloigne. Et c'est à ce moment qu'il comprend, finalement, qu’il s’en est fallu de peu.

Les femmes dans la vie des hommes ne courent pas les rues. Elles marchent lentement, un sac à main en écharpe, un portable lourd contre la hanche, elles marchent assurément vers leurs voitures, seules, sous le regard envieux des badauds qui la dévoreraient volontiers d’un coup de dents.

Et lui, il reste là, immobile, sachant très bien qu’elle reviendra demain. Et puis le surlendemain et l’autre surlendemain. Et qu’à chaque fois, si son homme à elle pouvait l’avoir à lui seul au retour du boulot, lui comprend que cette image qu'il a eue d’elle dans le trop court voyage restera à lui et à lui seul.

Cette image d’elle, elle lui a donnée comme un cadeau en gage de ce qui n’a jamais été, ne sera jamais.

Lundi soir, au retour, il prendra place en face d'elle. Dût-il affronter le revers de son écran noir et ses petits doigts pianotant avec détachement l'ignorance de ses oeillades indiscrètes.

Et mardi, il lui demandera son nom.

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11 septembre 2006

Les Appels d'autres mondes

Une petite journée tranquille aujourd'hui avec l'ajout de quelques sites dans ma listes des Appels d'autres mondes, dont plusieurs tirés de la Chaîne des Blogbédéistes.

Comme vous le voyez, j'aime bien les blogues dessinés...